Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/417

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l’intérieur de la ville[1] xiv, qu’il avait enlevée à l’église, et qui était remplie de vin, de provisions et de beaucoup d’autres choses, fut entièrement pillée, et il n’en resta rien que les murailles. Il nous accusait nous-mêmes de tout cela, nous qui prenions à ses affaires un sincère intérêt ; et il répétait souvent que, s’il rentrait jamais en grâce auprès du roi, il se vengerait sur nous de tout ce qu’il souffrait. Dieu, qui découvre le secret des cœurs, sait que nous lui prêtions secours de tout notre pouvoir, et à bonne intention, quoique auparavant il nous eût tendu beaucoup de piéges à l’occasion des biens de saint Martin. Il existait cependant un motif pour me faire oublier ses injures ; c’est que j’avais tenu son fils sur les fonts baptismaux. Mais je crois que ce qui nuisait surtout à ce malheureux, c’est qu’il n’avait aucun respect pour le saint évêque, car il commit souvent des meurtres dans le portique même qui est aux pieds du saint, et se livrait continuellement à des orgies et à de vains plaisirs. Un jour, déjà ivre, voyant qu’un prêtre tardait à lui apporter du vin, il le frappa de coups de poing et avec un banc brisé, tellement que le prêtre fut près de rendre l’âme, et peut-être fût-il mort si les médecins ne l’eussent soigné. De peur du roi, Eberulf demeurait dans la sacristie même de la sainte basilique. Lorsque le prêtre qui gardait les clefs s’était retiré après avoir fermé les autres portes, des servantes entrant par la porte de la sacristie avec d’autres domestiques d’Eberulf, venaient admirer les peintures des parois, et examiner les ornements du saint sépulcre ; ce qui était très-scandaleux pour les reli-

  1. Tout cela se passait à Tours.