Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/451

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acclamations générales, disaient : « Que toutes les nations t’adorent, fléchissent le genou devant toi, et que toutes te soient soumises ! » D’où il arriva qu’après avoir entendu la messe, le roi étant à table dit : « Malheur à cette nation juive, méchante et perfide, toujours fourbe par caractère ! Ils me faisaient entendre aujourd’hui des louanges pleines de flatterie, proclamant qu’il fallait que toutes les nations m’adorassent comme leur seigneur, et cela afin que j’ordonnasse que leurs synagogues, dernièrement renversées par les Chrétiens, fussent relevées aux frais du public ; ce que je ne ferai jamais, car le Seigneur le défend. » Ô roi en qui éclatait une admirable prudence ! Il avait si bien compris l’artifice de ces hérétiques, qu’ils ne purent rien lui arracher de ce qu’ils comptaient lui demander. Au milieu du repas, le roi dit aux prêtres qui étaient présents : « Je vous prie de m’accorder demain la bénédiction dans ma maison, et de me porter le salut en entrant, afin que j’obtienne mon salut des paroles de bénédiction que vous ferez couler sur moi, et que je recevrai avec humilité. » Comme il disait ces mots, nous lui rendîmes grâces, et le repas fini, nous nous levâmes.

Le matin, le roi, ayant visité les lieux saints pour y faire sa prière, arriva à notre logis. C’était la basilique du saint abbé Avite [Avitus], dont j’ai parlé dans le Livre des miracles [Gloire des Conf., XCIX]. Je me levai joyeux, je l’avoue, et allai à sa rencontre, et après avoir fait l’oraison, je le priai de vouloir bien accepter dans ma maison les eulogies de saint Martinii. Il ne s’y refusa pas ; mais, étant entré avec bonté, il but un coup, et, après nous avoir invités à sa table, s’en alla gaîment. Alors