Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/56

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Église ; et, ayant été fait clerc, il se distingua par une si grande sainteté qu’il succéda à saint Népotien dans la direction du troupeau du Seigneur.

Dans le même temps, Injuriosus, un des sénateurs d’Auvergne et fort riche, rechercha en mariage une jeune fille de même condition ; et lui ayant donné des gages, il fixa le jour des noces. Ils étaient tous deux enfants uniques de leurs pères. Le jour arrivé, la cérémonie des noces ayant été célébrée, ils se placèrent, selon la coutume, dans le même lit. Mais la jeune fille, gravement affligée, se tourna du côté de la muraille, et se prit à pleurer amèrement ; son mari lui dit : « Qu’est-ce qui te chagrine ? Dis-le-moi, je t’en supplie. » Comme elle gardait le silence : « Je te conjure, par Jésus-Christ, fils de Dieu, lui dit-il, de me faire part de ce qui t’afflige. » S’étant alors tournée vers lui, elle lui dit : « Dussé-je pleurer tous les jours de ma vie, mes larmes ne seraient jamais assez abondantes pour effacer la douleur immense de mon cœur. J’avais résolu de consacrer à Jésus-Christ mon corps pur de tout attouchement d’homme ; mais malheur à moi, qu’il a tellement abandonnée que je ne pourrai accomplir mon désir, et que je crains de perdre en ce jour, que je n’aurais jamais dû voir, ce que j’avais conservé depuis le commencement de mon âge. Voilà que délaissée, par le Christ immortel, qui me promettait le Paradis pour dot, je suis liée à un mari mortel ; et au lieu d’être parée d’une couronne de roses incorruptibles, je recevrai du mariage la triste parure d’une couronne de roses flétries. Je devais revêtir, dans les eaux sacrées de l’agneau divin, l’étole de pureté, et voilà que la