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INTRODUCTION. xiij


blâme, censure, etc. sont des idées subordonnées à celle de désapprobation, parce que celle-ci se trouve dans chacune d'elles, quoique diversement modifiée. J'appelle idées coordonnées celles qui contiennent la même idée mère avec des modifications différentes ; ainsi les idées de reproche, blâme, censure, etc., sont des idées coordonnées entre elles.

Les termes qui expriment les idées subordonnées ou des idées coordonnées peuvent seuls être considérés comme synonymes.

La synonymie des premiers c'est-à-dire celle des mots qui expriment les idées subordonnées avec celui qui exprime l'idée mère, a été révoquée en doute par quelques philologues, entre autres par l'allemand Fischer, mais à tort. Examinons, en effet, quel est le vrai caractère des synonymes.

Les synonymes ne peuvent être des noms propres : (propria) ils doivent être des noms génériques (appellativa). Il n'y a point de synonymie entre les mots qui désignent des choses individuelles ; ils sont distincts par leur nature même ; ils n'offrent aucune nuance à saisir, car du moment où il en y aurait une, ils n'exprimeraient plus le même objet individuel. Pour que des mots puissent être synonymes, il faut donc qu'ils expriment des choses générales.

Il suit de là qu'une idée générique commune est nécessaire aux mots synonymes : plus cette idée générique qui fait leur rapport sera voisine de l'idée particulière qui fait leur différence, plus la synonymie sera grande : si les mots n'ont en commun qu'un idée générique très éloignée, ils ne seront pas vraiment synonymes, car alors leur sens propre et leurs caractères distinctifs seront aisés à assigner. Ainsi les mots mer et fleuve ne sont pas synonymes, parce qu'ils n'ont en commun que l'idée générique éloignée d' eau, tandis que les mots fleuve et rivière peuvent être considérés comme tels, parce qu'ils ont en commun l'idée générique très rapprochée d' eau courante.

Or, les mots qui expriment les idées subordonnées ont en commun avec celui qui exprime l'idée mère, cette idée elle-même, et ils peuvent en être peu éloignés ; rien ne s'oppose donc à leur synonymie. Les mots déserteur et transfuge me serviront d'exemple. Déserteur contient l'idée mère ; il désigne un soldat qui abandonne, sans congé, le service auquel il est engagé : transfuge exprime une idée subordonnée, car il ajoute au sens propre de déserteur l'idée