Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/113

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Ils ne s’inquiétaient que de leur propre intérêt, de leur propre passion, de leur propre volonté ; comment se seraient-ils accommodés à un état un peu social ? On essayait de les y faire entrer, ils l’essayaient eux-mêmes. Ils en sortaient aussitôt par un acte d’imprévoyance, par un éclat de passion, par un défaut d’intelligence. On voit à chaque instant la société tenter de se former ; à chaque instant on la voit rompue par le fait de l’homme, par l’absence des conditions morales dont elle a besoin pour subsister.

Telles étaient, Messieurs, les deux causes déterminantes de l’état de barbarie. Tant qu’elles se sont prolongées, la barbarie a duré. Cherchons comment et quand elles sont enfin venues à cesser.

L’Europe travaillait à sortir de cet état. Il est dans la nature de l’homme, même quand il y est plongé par sa propre faute, de ne pas vouloir y rester. Quelque grossier, quelque ignorant, quelque adonné qu’il soit à son propre intérêt, à sa propre passion, il y a en lui une voix, un instinct qui lui dit qu’il est fait pour autre chose, qu’il a une autre puissance, une autre destinée. Au milieu de son désordre, le goût de l’ordre et du progrès le poursuit et le vient tourmenter. Des besoins de justice, de prévoyance, de développement, l’agitent jusque sous le joug du plus brutal égoïsme. Il se sent poussé à réformer le monde matériel, et la société et lui-même ; il y travaille même sans se rendre compte du besoin qui l’y pousse. Les Barbares aspiraient à la civilisation, tout en en étant incapables ; que dis-je, tout en la détestant dès que sa loi se faisait sentir.