Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/314

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pour indiquer le caractère dominant de son histoire. Là les tentatives de fusion, d’unité, d’organisation politique générale ont été suivies avec peu d’ardeur. Les divers éléments sociaux sont restés beaucoup plus distincts, beaucoup plus indépendants que dans le reste de l’Europe. S’il en fallait une preuve, on la trouverait jusque dans les temps modernes. L’Allemagne est le seul pays de l’Europe où l’élection féodale ait pris part longtemps à la création de la royauté. Je ne parle pas de la Pologne, ni des nations esclavonnes, qui sont entrées si tard dans le système de la civilisation européenne. L’Allemagne est également le seul pays de l’Europe où il fût resté des souverains ecclésiastiques, le seul qui eût conservé des villes libres ayant une existence, une vraie souveraineté politique. Il est clair que la tentative de fondre en une seule société les éléments de la société européenne primitive, avait eu là beaucoup moins d’activité et d’effet qu’ailleurs.

Je viens de mettre sous vos yeux, Messieurs, les grands essais d’organisation politique tentés en Europe jusqu’à la fin du quatorzième siècle et au commencement du quinzième. Vous les avez vus tous échouer. J’ai essayé d’indiquer en passant les causes de ce mauvais succès : à vrai dire elles se réduisent à une seule. La société n’était pas assez avancée pour se prêter à l’unité ; tout était encore trop local, trop spécial, trop étroit, trop divers dans les existences et dans les esprits. Il n’y avait ni intérêts généraux, ni opinions générales capables de dominer les intérêts et les opinions particulières. Les esprits les plus élevés, les plus hardis n’avaient aucune idée d’administration ni