Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

purement humaines ; je mets de côté tout élément étranger aux conséquences naturelles des faits naturels ; si le christianisme n’eût été, comme dans les premiers temps, qu’une croyance, un sentiment, une conviction individuelle, on peut croire qu’il aurait succombé au milieu de la dissolution de l’Empire et de l’invasion des Barbares. Il a succombé plus tard, en Asie et dans tout le nord de l’Afrique, sous une invasion de même nature, sous l’invasion des Barbares musulmans ; il a succombé alors, quoiqu’il fût à l’état d’institution, d’église constituée. À bien plus forte raison le même fait aurait pu arriver au moment de la chute de l’Empire romain. Il n’y avait alors aucun des moyens par lesquels aujourd’hui les influences morales s’établissent ou résistent indépendamment des institutions, aucun des moyens par lesquels une pure vérité, une pure idée acquiert un grand empire sur les esprits, gouverne les actions, détermine des événements. Rien de semblable n’existait au quatrième siècle, pour donner aux idées, aux sentiments personnels, une pareille autorité. Il est clair qu’il fallait une société fortement organisée, fortement gouvernée, pour lutter contre un pareil désastre, pour sortir victorieuse d’un tel ouragan. Je ne crois pas trop dire en affirmant qu’à la fin du quatrième, et au commencement du cinquième siècle, c’est l’Église chrétienne qui a sauvé le christianisme ; c’est l’Église avec ses institutions, ses magistrats, son pouvoir, qui s’est défendue vigoureusement contre la dissolution intérieure de l’Empire, contre la Barbarie, qui a conquis les Barbares, qui est devenue le lien, le moyen, le principe de civilisation