Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/89

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liberté de conscience la plus rigoureuse et la plus étendue. La séparation du temporel et du spirituel se fonde sur cette idée que la force matérielle n’a ni droit ni prise sur les esprits, sur la conviction, sur la vérité. Elle découle de la distinction établie entre le monde de la pensée et le monde de l’action, le monde des faits intérieurs et celui des faits extérieurs. En sorte que ce principe de la liberté de conscience pour lequel l’Europe a tant combattu, tant souffert, qui a prévalu si tard, et souvent contre le gré du clergé, ce principe était déposé, sous le nom de séparation du temporel et du spirituel, dans le berceau de la civilisation européenne ; et c’est l’Église chrétienne qui, par une nécessité de sa situation, pour se défendre alors contre la barbarie, l’y a introduit et maintenu.

La présence d’une influence morale, le maintien d’une loi divine, et la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, ce sont là les trois grands bienfaits qu’au cinquième siècle l’Église chrétienne a répandus sur le monde européen.

Tout n’a pas été, même dès-lors, également salutaire dans son influence. Déjà, au cinquième siècle, paraissaient dans l’Église quelques mauvais principes qui ont joué un grand rôle dans le développement de notre civilisation. Ainsi prévalait dans son sein, à cette époque, la séparation des gouvernants et des gouvernés, la tentative de fonder l’indépendance des gouvernants à l’égard des gouvernés, d’imposer des lois aux gouvernés, de posséder leur esprit et leur vie, sans la libre acceptation de leur raison et de leur volonté. L’Église tendait de plus à faire prévaloir dans