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Page:Guizot - Mélanges politiques et historiques, 1869.djvu/191

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puisse, sans trop d’efforts, le métamorphoser en délit ? Il n’importe ; engagé dans une voie fatale, le pouvoir est contraint d’avancer ; il aidera lui-même à cette métamorphose ; il aura des agens qui, souvent à son insu, par le seul résultat de l’impulsion qu’ils ont reçue de lui, d’espions deviendront provocateurs. Jetés au milieu de ces dispositions générales où réside le mal, attachés aux pas des individus en qui elles se sont plus clairement manifestées, ils les cultiveront pour les mener à effet ; ils se saisiront du moindre embryon de crime, du moindre germe de complot, pour l’échauffer, le féconder, le nourrir, et le livrer à sa destinée dès qu’il sera assez grand pour supporter un peu la lumière. Et une fois en possession d’un petit centre auquel se puissent légalement rattacher ses alarmes, la politique, demi aveuglée, demi-perverse, s’élancera de là à la recherche de tous les dangers dont elle veut s’affranchir ; elle ira fouiller dans le sein de l’hostilité, du mécontentement, de tout ce mauvais état du pays qui cause sa peur ; elle y recueillera des rapports, des inductions, des preuves ; elle en composera je ne sais quel fantôme dont elle s’épouvantera peut-être elle-même avant d’en venir épouvanter les autres ; et enfin, on la verra demander à la justice