Page:Guizot - Mélanges politiques et historiques, 1869.djvu/214

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non moins honteuse que la fraude était détestable, se cachent les trois sénateurs ; ils approchent l’oreille des trous et des fentes. Cependant Latiaris ayant trouvé Sabinus dans la ville, et comme pour lui raconter des choses qu’il venait d’apprendre, l’amène dans sa maison, dans sa chambre, Là, il l’entretient (le sujet était riche) des maux passés, des maux présens ; il accumule de nouvelles alarmes. Sabinus se livre et d’autant plus que les douleurs, quand elles ont éclaté une fois, sont plus difficiles à réprimer. L’accusation est portée en toute hâte ; et les sénateurs, en écrivant à César, publient, avec leur artifice, leur propre déshonneur [1]. » Sabinus fut aussitôt condamné.

Je vais retrancher tout ce qu’il y a d’odieux dans l’époque, d’illustre dans la victime, de fameux dans les délateurs, de pathétique dans le récit. J’efface Tibère, Séjan, Sabinus, Latiaris, Tacite. Je me transporte dans un pays libre, sous un roi bon et sage. Je prends une affaire sans éclat, un accusé qui n’inspire aucun intérêt particulier, qui n’a point subi une condamnation capitale. Il ne me reste absolument qu’un homme en présence de la justice.

  1. Tac., Annal., L.4., c.68.