Page:Guizot - Mélanges politiques et historiques, 1869.djvu/254

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toutes ses craintes, et il s’indigne aisément contre ceux qui ne se montrent ni craintifs, ni passionnés comme lui. C’est là le principe le plus fécond de l’injustice et de la tyrannie : notre révolution en est la preuve. Des hommes pour qui tout était en question, même la vie, ne pouvaient souffrir que tout ne fût pas en question pour le public comme pour eux. Ils étaient possédés du besoin d’attirer les autres dans cette atmosphère brûlante, toujours près de les consumer eux-mêmes, De là ces absurdes mots d’indifférentisme, de modérantisme dont ils ne tardèrent pas à faire des crimes. Quand le pouvoir en est là, l’indifférence devient à ses yeux de la trahison.

Que pensera-t-il du mécontentement ? que verra-t-il dans les symptômes qui le révèlent ? ils ont quelque chose de plus actif et de plus direct. Des mécontens ne se bornent pas à regarder froidement passer le pouvoir ; ils épient dans ses actes et dans les événemens, tout ce qui peut nourrir leur humeur ou leurs craintes. Il y a pour eux une intention dans chaque parole, un piége dans chaque mouvement. Ils ne forment point de desseins, ils n’ont pas même des désirs complets et arrêtés. Si l’avenir s’ouvrait devant leur vue, et leur dévoilait toutes les chances, tous les maux qui peuvent accompagner