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208 STENDHAL ET l’ ANGLETERRE d’un seul individu. Pour l’un comme pour l’autre, une bataille, ce n’est pas deux armées, rangées en ligne de combat, se battant ensuite avec ordre. C’est du bruit et de la fumée, des hommes morts et mourants, mais c’est aussi un jeune homme se sauvant dans un champ de blé ; c’est, au milieu du combat, un soldat, la langue desséchée par la soif, se courbant sur un ruisseau en s’écriant qu’il va boire, arrive que pourra ; c’est un petit groupe d’hommes affamés, les jambes déchirées par les broussailles, les pieds meurtris, s’arrêtant dans un champ de fèves pour remplir leurs havresacs. Et les généraux ? Ils ne font pas à leurs soldats des discours propres à édifier des élèves de rhétorique. Mais d’abord, où sont les généraux ? Vous pouvez très bien assister à une bataille sans les voir, et, certainement, vous ne les entendrez point faire de longs discours. L’éloquence du champ de bataille est surtout remarquable par son énergie succincte, se bornant à un ou deux jurons pro- noncés avec ferveur. Voilà pour les généraux. Et l’Ar- mée ? L’Armée n’existe plus pour l’individu. Chaque homme se bat seul ou avec sa compagnie, mais l’armée n’est plus rien pour lui. Qui sait ce qui se passe à un autre coin du champ de bataille, comment va le combat ? Non pas le simple soldat. Il ne voit qu’une petite partie du tableau et ce que Stendhal a appris dans le Journal du soldat écossais, c’est à fixer ses yeux sur cette petite partie (l). --- 1. Voici un spécimen du style du soldat écossais qui permettra de rapprocher sa manière de celle de Stendhal. Tom décrit la bataille