Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/38

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Puis il rentra dans sa chambre. De toute la nuit il ne dormit pas, on eût dit qu’il s’agissait d’une bataille ou du sort de deux peuples. Oui tout ce conseil, tous ces gardes, tous ces assassins, tous ces appareils de guerre ne devaient servir enfin qu’à la mort d’un seul homme ; mais cet homme, c’était le duc de Guise. À la Saint-Barthélemy, Charles vit sans sourciller tout un peuple massacré par ses ordres, prêt à frapper son ennemi, Henri tremblait.

Le matin, le Balafré fut arrêté à la grille du château par un homme qui lui dit, les larmes aux yeux :

— Duc, vous ne sortirez pas d’ici.

— Allons, mon pauvre ami, va, sois tranquille, il y a longtemps que je suis en garde contre les pressentiments.

Arrivé au grand escalier, il se prit à saigner du nez.

— Du sang, encore, dit-il en riant amèrement.

Puis il continua à marmotter quelques paroles.

C’était bien là ce même duc de Guise, ferme et incrédule, et qui laissait échapper de temps à autre quelques marques de faiblesse comme d’autres en laissent échapper de grandeur.

Tout à coup Revol entra en tremblant ; il était pâle et ses jambes pliaient sous lui.

— Monsieur de Guise, dit-il, Sa Majesté vous demande, elle est en son vieux cabinet.

Le duc s’y rendit, et là il n’y vit point le roi, mais quelques gardes qu’il salua ; un d’entre eux lui marcha sur le pied. Était-ce le dernier avertissement de quelque ami ?

Aussitôt Montlery s’élance, le saisit par le bras, et, lui enfonçant le poignard, il s’écrie :

— Traître, tu en mourras !

Effrenati se jette à ses jambes, Saint-Malines lui porte un autre grand coup de poignard de la gorge dans la poitrine, Saignac lui enfonce l’épée dans les