Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/474

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vertes et épaisses, qui se glissait sur une vis en bois, jetait sur tout cela une teinte verdâtre de crépuscule et de mélancolie.

À côté de cette fenêtre à moitié baissée, se trouvait une petite table noire avec deux chaises de paille, où sir Hugues venait de déposer deux verres et une quantité de bouteilles de toutes les dimensions ; derrière, dans un coin, s’étendait encore une foule de bouts de bouteilles, avec leurs têtes blanches de liège.

Il les débouchait quand Rymbault arriva ; il était temps, la nuit allait venir, et cela durerait jusqu’au matin.

Les voilà donc réunis, ils s’asseyent tous deux en silence et sombres, ils se mettent à boire, à boire de longues heures.

De temps à autre, on voyait sortir de dessous leurs joues des bouffées grises, qu’ils aspiraient à pleine poitrine de leurs longues pipes en terre, elles partaient en s’élargissant, se repliant mollement sur elles-mêmes, et montaient vers le plafond en nuages vaporeux.

On entendait aussi le bruit de la bouteille froissant le verre en y faisant tomber son vin, et celui des verres frappant sur leurs dents déjà crispées par l’ivresse. Et au dehors une nuit d’été calme et silencieuse ; à l’horizon, derrière la colline couverte de taillis, s’élevait de terre comme un reflet de lumière qui illuminait la campagne et venait jeter ses rayons blafards et azurés à travers les grosses vitres vertes des fenêtres.

On n’entendait plus que ce murmure confus des nuits qui s’élève des champs, comme si la nature dormait et qu’elle laissât échapper des soupirs dans ses rêves : un cri lointain qui court, un pas éloigné et furtif, la haie d’épines qui tremble, une voix confuse qui appelle, le battement d’ailes des oiseaux sous la verdure, les aboiements répétés d’un chien pleurant au clair de lune, et puis les vaches dormant pesamment