corps, le déchirant, le faisant tourner, courir ; elle le harcèle, le poursuit sans qu’il puisse l’éviter. Cela dura jusqu’à ce qu’il fût tombé, étourdi, épuisé de fatigue.
Cette agonie-là dura longtemps, et plus longue et plus cruelle que celle du Christ, car elle était sans espoir, sans aucun horizon qui apparût au bout de ce long chemin vide et plein de douleurs, sans soleil qui perçât les nuages, sans aurore après cette nuit. Lui aussi sua une sueur de sang et de larmes, et on les entendait tomber sur la terre.
Ah ! ce fut pire, car sa croix, c’était son âme qu’il avait peine à porter et qui le brisait. Il l’avait portée dans la vie, et arrivé au haut du calvaire, il la laissa tomber de lassitude.
Le séjour du tombeau pour lui ne fut pas de trois jours, et son tombeau n’était point un couvercle de pierre, mais c’était le cadavre vivant de la pensée qui se remuait et se tordait sous le sépulcre de la vie et du fini.
Mais dans sa lassitude, au milieu de ses larmes silencieuses, quand tout pesait si durement sur lui, il s’éleva cependant comme un dernier soupir, un dernier baiser, quelque chose d’immense, d’amoureux, d’impalpable. Il se ranima, ouvrit les yeux, chercha ce qu’il n’avait jamais vu, désira ce qui n’existait pas ; il tendit les bras vers un infini sans bornes, et il se prit à rêver de belles choses inconnues. Son âme, toute usée, comme une vieille voile que les ouragans ont crevée et qui est retombée sans souffle, commença à palpiter, comme si une brise du soir, courant sur une mer du sud et apportant des parfums et de doux et vagues échos, l’eût enflée ; il reprit à la vie, et son cœur se rouvrit à l’espérance comme les fleurs au soleil.
Quelle journée devait l’attendre ? Quel ouragan allait la casser sur sa tige ? Pauvre fleur ! pauvre âme !