Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il allait étendre les bras vers elle, il allait la saisir, déjà leurs regards s’étaient confondus, leurs larmes s’étaient séchées, il y avait eu un immense espoir dans la création. Le monde s’était retourné sur son vieux lit de douleurs, il avait entr’ouvert son œil morne pour voir la dernière étoile, il avait aspiré la brise du ciel ; mais il se rendormit bientôt dans ses cendres.

Un éclair parut, Satan était là.

— Arrête, dit-il, elle est à moi ! Smarh ! arrête, te dis-je !

smarh.

À toi ? esprit de ténèbres, arrière !

satan.

Je te brise du pied, vermisseau plein d’orgueil, bulle de savon que mon souffle seul soutient.

smarh.

Car tu es à moi ? À toi mon cœur !

satan.

Non ! à toi tout.

La terre, usant ses dernières forces, s’écria : « Aime-le, aime-le ».

L’enfer, se levant sur ses charbons, s’écria plein de rage : « Aime-le, aime-le ».

Mais un rire perça l’air, Yuk parut et lui dit :

— C’est pour moi, à toi l’éternité !

L’éternité en effet répéta : « C’est lui, c’est lui ! »

Smarh tournoya dans le néant, il y roule encore.

Satan versa une larme.

Yuk se mit à rire et sauta sur elle, et l’étreignit d’un baiser si fort, si terrible, qu’elle étouffa dans les bras du monstre éternel.

G. F.