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Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/127

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deur, aux héros leur grandeur, au poète son enflure, aux mains sales leurs gants blancs. Quand un homme avait passé devant lui, avait dit deux mots, avancé de deux pas, fait le moindre geste, il vous le rendait nu, déshabillé et grelottant au vent.

Avez-vous quelquefois, dans un spectacle, à la lueur du lustre aux mille feux, quand le public s’agite tout palpitant, que les femmes parées battent des mains, et qu’on voit partout des sourires sur des lèvres roses, diamants qui brillent, vêtements blancs, richesses, joies, éclat, vous êtes-vous figuré toute cette lumière changée en ombre, ce bruit devenu silence et toute cette vie rentrée au néant, et, à la place de tous ces êtres décolletés, aux poitrines haletantes, aux cheveux noirs nattés sur des peaux blanches, des squelettes qui seront longtemps sous la terre où ils ont marché et réunis ainsi dans un spectacle pour s’admirer encore, pour voir une comédie qui n’a pas de nom, qu’ils jouent eux-mêmes, dont ils sont les acteurs éternels et immobiles ?

Mathurin faisait à peu près de même, car à travers le vêtement il voyait la peau, la chair sous l’épiderme, la moelle dans l’os, et il exhumait de tout cela lambeaux sanglants, pourriture du cœur, et souvent, sur des corps sains, vous découvrait une horrible gangrène.

Cette perspicacité qui a fait les grands politiques, les grands moralistes, les grands poètes, n’avait servi qu’à le rendre heureux ; c’est quelque chose, quand on sait que Richelieu, Molière et Shakespeare ne le furent pas. Il avait vécu, poussé mollement par ses sens, sans malheur ni bonheur, sans effort, sans passion et sans vertu, ces deux meules qui usent les lames à deux tranchants. Son cœur était une cuve, où rien de trop ardent n’avait fermenté, et, dès qu’il l’avait crue assez pleine, il l’avait vite fermée, laissant encore de la place pour du vide, pour la paix. Il n’était donc ni poète ni