remuaient lentement leur tête droite, les oiseaux gazouillaient déjà, chantaient, laissaient s’envoler leurs notes perlées ; le fleuve, de l’autre côté, au pied des masures de chaume, le long des murailles, coulait, et on voyait les arbres laisser tomber les massifs de leurs feuilles et leurs fruits mûrs.
C’était la prairie et le bois, on entendait un vague bruit de chariot dans les chemins creux, et celui que les pas faisaient faire aux herbes foulées ; et çà et là, comme des corbeilles de verdure, des îles jetées dans le courant, leurs bords tapissés de vignobles descendant jusqu’au rivage, que les flots venaient baiser avec cette lenteur harmonieuse des ondes qui coulent.
Ah ! c’est bien là que Mathurin voulut dormir, entre la forêt et le courant, dans la prairie. Ils l’y portèrent et lui creusèrent là son lit, sous l’herbe, non loin de la treille qui jaunissait au soleil et de l’onde qui murmurait sur le sable caillouteux de la rive.
Des pêcheurs s’en allaient avec leurs filets et, penchés sur leurs rames, ils tiraient la barque qui glissait vite ; ils chantaient, et leur voix allait, portée le long de l’eau, et l’écho en frappait les coteaux voisins. Eux aussi, quand tout fut prêt, se mirent à chanter un hymne aux sons harmonieux et lents, qui s’en alla comme le chant des pêcheurs, comme le courant de la rivière, se perdre à l’horizon, un hymne au vin, à la nature, au bonheur, à la mort. Le vent emportait leurs paroles, les feuilles venaient tomber sur le cadavre de Mathurin ou sur les cheveux de ses amis. La fosse ne fut pas creuse, et le gazon le recouvrit, sans pierre ciselée, sans marbre doré ; quelques planches d’une barrique cassée, qui se trouvaient là par hasard, furent mises sur son corps afin que les pas ne l’écrasent pas.
Et alors ils tirèrent chacun deux bouteilles, en burent deux, et cassèrent les deux autres. Le vin tomba en bouillons rouges sur la terre, la terre le but