Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

livres dont je parle, maître, c’est celle du cœur et de la nature.

smarh.

Sans doute ! Alors j’ai mûrement réfléchi, et bien des ans de ma vie.

satan.

J’avais donc raison de dire que vous étiez savant. Ce mot-là doit-il s’appliquer à un homme qui possède beaucoup de livres, comme à une bibliothèque, plutôt qu’à un autre qui est saint, qui possède Dieu, car la vraie science, c’est Dieu.

smarh.

Oui, Dieu est l’unique objet de mon étude.

satan.

Vous êtes donc plus que savant, vous êtes un saint. Heureuse vie ! Être ainsi au milieu de cette belle nature, prier Dieu tout le jour, être entouré du respect de la contrée, car à toute heure on vient vous consulter sur toute matière, sur la religion et sur la vie, sur la mort et l’éternité ; hommes, femmes, enfants, tout le monde accourt à vous ; vous êtes comme le bon ange du pays, pas une larme que vous n’essuyiez, pas une peine, pas un chagrin qui ne soit soulagé ; vous raccommodez les familles, vous mettez la paix dans les ménages, saint homme !

smarh, humilié.

Oh ! vous me flattez, frère !

satan.

Non, non, je me complais dans ce ravissant tableau. Vous dites aux femmes libertines : « Allez, rentrez dans vos ménages, aimez Dieu et vos enfants » ; aux enfants, de pratiquer la religion ; aux valets : « Aimez,