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Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/205

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reposaient étendus avec mollesse ; de temps à autre un mouvement compulsif lui secouait les genoux et les hanches ; sur sa poitrine, la place de mes baisers était rouge encore, un son rauque et lamentable sortait de sa gorge, comme lorsqu’on s’endort après avoir longtemps pleuré et sangloté. Tout à coup je l’entendis qui disait ceci : « Dans l’oubli de tes sens, si tu devenais mère », et puis je ne me souviens plus de ce qui suivit, elle croisa les jambes les unes sur les autres et se berça de côté et d’autre, comme si elle eût été dans un hamac.

Elle me passa sa main dans les cheveux, en se jouant, comme avec un enfant, et me demanda si j’avais eu une maîtresse ; je lui répondis que oui, et comme elle continuait, j’ajoutais qu’elle était belle et mariée. Elle me fit encore d’autres questions sur mon nom, sur ma vie, sur ma famille.

— Et toi, lui dis-je, as tu aimé ?

— Aimer ! non ?

Et elle fit un éclat de rire forcé qui me décontenança.

Elle me demanda encore si la maîtresse que j’avais était belle, et après un silence, elle reprit :

— Oh ! comme elle doit t’aimer ! Dis-moi ton nom, hein ! ton nom.

À mon tour je voulus savoir le sien.

— Marie, répondit-elle, mais j’en avais un autre, ce n’est pas comme cela qu’on m’appelait chez nous.

Et puis je ne sais plus, tout cela est parti, c’est déjà si vieux ! Cependant il y a certaines choses que je revois comme si c’était hier, sa chambre par exemple ; je revois le tapis du lit, usé au milieu, la couche d’acajou avec des ornements en cuivre et des rideaux de soie rouge moirés ; ils craquaient sous les doigts, les franges en étaient usées. Sur la cheminée, deux vases de fleurs artificielles ; au milieu, la pendule, dont le cadran était suspendu entre quatre colonnes d’albâtre.