morceau de roi, et qui ne prenaient pas cet amour inextinguible qui courait au-devant d’eux et se jetait à leurs genoux !
J’en vois pourtant qui ont des amants, même ici, de vrais amants qui les aiment ; elles leur font une place à part, dans leur lit comme dans leur âme, et quand ils viennent elles sont heureuses. C’est pour eux, vois-tu, qu’elles se peignent si longuement les cheveux et qu’elles arrosent les pots de fleurs qui sont à leurs fenêtres ; mais moi, personne, personne ; pas même l’affection paisible d’un pauvre enfant, car on la leur montre du doigt, la prostituée, et ils passent devant elle sans lever la tête. Qu’il y a longtemps, mon Dieu que je ne suis sortie dans les champs et que je n’ai vu la campagne ! que de dimanches j’ai passés à entendre le son de ces tristes cloches, qui appellent tout le monde aux offices où je ne vais pas ! qu’il y a longtemps que je n’ai entendu le grelot des vaches dans le taillis ! Ah ! je veux m’en aller d’ici, je m’ennuie, je m’ennuie ; je retournerai à pied au pays, j’irai chez ma nourrice, c’est une brave femme qui me recevra bien. Quand j’étais toute petite, j’allais chez elle, et elle me donnait du lait ; je l’aiderai à élever ses enfants et à faire le ménage, j’irai ramasser du bois mort dans la forêt, nous nous chaufferons, le soir, au coin du feu quand il neigera, voilà bientôt l’hiver ; aux rois nous tirerons le gâteau. Oh ! elle m’aimera bien, je bercerai les petits pour les endormir, comme je serai heureuse !
Elle se tut, puis releva sur moi un regard étincelant à travers ses larmes, comme pour me dire : Est-ce toi ?
Je l’avais écoutée avec avidité, j’avais regardé tous les mots sortir de sa bouche ; tâchant de m’identifier à la vie qu’ils m’exprimaient. Agrandie tout à coup à des proportions que je lui prêtais, sans doute, elle me