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Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/239

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cru qu’elle m’écrirait ; quand j’entendais une voiture s’arrêter à ma porte, je m’imaginais qu’elle allait en descendre. Avec quelle angoisse j’ai suivi certaines femmes ! avec quel battement de cœur je détournais la tête pour voir si c’était elle !

La maison a été démolie, personne n’a pu me dire ce qu’elle était devenue.

Le désir d’une femme que l’on a obtenue est quelque chose d’atroce et de mille fois pire que l’autre, de terribles images vous poursuivent comme des remords. Je ne suis pas jaloux des hommes qui l’ont eue avant moi, mais je suis jaloux de ceux qui l’ont eue depuis ; une convention tacite faisait, il me semble, que nous devions nous être fidèles, j’ai été plus d’un an à lui garder cette parole, et puis le hasard, l’ennui, la lassitude du même sentiment peut-être, on fait que j’y ai manqué. Mais c’était elle que je poursuivais partout ; dans le lit des autres je rêvais à ses caresses.

On a beau, par-dessus les passions anciennes, vouloir en semer de nouvelles, elles reparaissent toujours, il n’y a pas de force au monde pour en arracher les racines. Les voies romaines, où roulaient les chars consulaires, ne servent plus depuis longtemps, mille nouveaux sentiers les traversent, les champs se sont élevés dessus, le blé y pousse, mais on en aperçoit encore la trace, et leurs grosses pierres ébrèchent les charrues quand on laboure.

Le type dont presque tous les hommes sont en quête n’est peut-être que le souvenir d’un amour conçu dans le ciel ou dès les premiers jours de la vie ; nous sommes en quête de tout ce qui s’y rapporte, la seconde femme qui vous plaît ressemble presque toujours à la première, il faut un grand degré de corruption ou un cœur bien vaste pour tout aimer. Voyez aussi comme ce sont éternellement les mêmes dont vous parlent les gens qui écrivent, et qu’ils décrivent cent fois sans jamais s’en lasser. J’ai connu un ami