Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

V

Une pensée m’est venue, et c’est le seul remords qui soit venu me troubler, car jamais je n’ai eu de remords, croyant que les hommes n’étaient ni bons, ni mauvais, ni coupables, ni innocents, sachant que j’agissais non par ma volonté, mais par instinct, par puissance d’organisation, par une fatalité plus forte que moi — je ne m’affligerai jamais des sottises que mon ennemi aurait pu faire, — je trouve donc que j’aurais dû vivre comme je meurs, gai et tranquille ; qu’au lieu de pleurer et de maudire Dieu, j’aurais dû en rire et le braver ; j’aurais dû éteindre mes pleurs sous un rire, oublier la réalité, et puisque je n’avais pu trouver l’amour, prendre la volupté !

VI

J’ai éprouvé de bonne heure un profond dégoût des hommes, dès que j’ai été mis en contact avec eux.

Dès douze ans on me plaça dans un collège : là, j’y vis le raccourci du monde, ses vices en miniature, ses germes de ridicules, ses petites passions, ses petites coteries, sa petite cruauté ; j’y vis le triomphe de la force, mystérieux emblème de la puissance de Dieu ; je vis des défauts qui devaient plus tard être des vices, des vices qui seraient des crimes, et des enfants qui seraient des hommes.

VII

(Inachevé.)