Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/30

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semble entourée d’une auréole bleue et les étoiles fixées sur un fond noir.

satan.

Avais-tu donc rêvé quelquefois quelque chose d’aussi vaste ?

smarh.

Oh ! non, je ne croyais pas l’infini si grand !

satan.

Et tu prétendais cependant l’embrasser dans ta pensée, car chaque jour tu disais : Dieu ! éternité ! et tu te perdais dans la grandeur de l’un, dans l’immensité de l’autre.

smarh.

Cela est vrai. Une telle vue surpasse les bornes de l’âme, il faudrait être un Dieu pour se le figurer. Comme cela est grand ! comme les océans noirs paraissent petits ! (Ils montent toujours.)

Eh quoi ? nous montons toujours ? mais où allons-nous ?

satan.

Pourquoi cette question d’enfant ? As-tu besoin de savoir où tu vas pour aller ? est-ce que tu agis pour une cause quelconque ? Pourquoi le monde marche-t-il, lui ? pourquoi vois-tu ce petit globe tourner toujours sur lui-même, si vite, avec ses habitants étourdis ?

smarh.

Comme la création est vaste ! Je vois les planètes monter, et les étoiles courir, emportées, avec leurs feux. Quelle est donc la main qui les pousse ? La voûte s’élargit à mesure que je monte avec elle, les mondes roulent autour de moi, je suis donc le centre de cette création qui s’agite !