Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/75

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entrevu, entre les barreaux de l’honnêteté et le voile obscur des convenances, qu’un coin de ce grand ciel qu’on appelle amour ; l’autre pensait en termes plus précis et en images plus distinctes à la nuit qui allait venir : « Une vierge, se disait-il, une femme comme cela ! » et il n’en revenait pas d’étonnement.

SCÈNE II

Une église, des conviés, des mendiants ; les prêtres rayonnent, les pièces d’argent tombent goutte à goutte dans l’offerte, beaucoup de cierges. Les mariés sont à genoux, la jeune fille frémit, palpitante d’une joie pure ; le jeune homme est frisé et a des gants blancs, il a été une heure à se laver les mains avec différents savons d’or, il embaume.

À l’hôtel de ville on prononce le « oui » d’une voix claire, tout est fini.

Yuk alors se met à rire, à rire de ce fameux rire que vous savez ; il a raison, car il a devant lui au moins un demi-siècle de ménage.

Nous sommes trop moraux pour nous appesantir sur la nuit de noces et dire tout ce qui s’y fit, ce serait cependant curieux, mais la décence, cette maquerelle impuissante, nous en empêche. Passons à la

SCÈNE III

Lune de miel (voyez la Physiologie du mariage, du sire de Balzac, pour les phases successives de la vie matrimoniale).

La femme s’aperçoit que son mari est beaucoup plus bête qu’elle ne le croyait ; il lui avait paru si spirituel, quand il n’était encore qu’un fiancé (suivant l’expression poétique), un parti (suivant l’expression sociale), un bon ami (comme disent les cuisinières), et une p… dans l’horizon (suivant nous) !

De plus elle aimait la poésie, les rêves, les pensées capricieuses, brumeuses et vagabondes ; et son mari