Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/88

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Et vous, mes dalles, comme vous êtes vieilles, on pavera les rues avec vos faces plates et carrées ; et le pied de la courtisane, le pas du mulet, les roues des chars vous useront si bien que vous ne serez plus que de la poussière qu’enlèveront les vents.

Et toi, ma grosse cloche, on va encore te fondre et te ronger ; tu vas hurler et bondir dans la plaine ; chaque fois que tu chanteras, ta voix tuera des hommes sur son passage.

Et mes vitraux bigarrés, vous allez tous vous casser, vous aurez le plaisir de vous voir sauter et rebondir, en vous brisant de nouveau sur la terre.

Les gargouilles vont tomber pierre à pierre, vous assommerez toutes quelqu’un dans votre chute ; mais on vous ramassera avec soin, on vous grattera, on vous blanchira pour en bâtir quelque entrepôt, quelque lupanar immonde où je vous reverrai souvent.

Il dit, et aussitôt l’église s’écroula tout entière, depuis son sommet jusqu’à sa base ; elle s’écroula d’un seul coup, ce fut un fracas horrible. Mais il y eut un immense rire qui accueillit cette chute, les philosophes battaient des mains ; mais un autre rire les domina tellement qu’ils disparurent tout à fait. Celui-là, vous le connaissez, c’était celui de Yuk.

Et Smarh se trouva seul dans une plaine aride, avec de la cendre jusqu’au ventre ; il s’y enfonçait à mesure qu’il tâchait de s’élever. Tout était morne, mort et détruit autour de lui.

Il disait :

— Où suis-je ? où suis-je ? J’ai monté dans l’infini, et j’ai eu vite un dégoût de l’infini ; je suis redescendu sur la terre, et j’ai assez de la terre. Aussi que faire ? La nature et les hommes me sont odieux. Oh ! quelle pitoyable création !