Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/212

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Mme Gosselin. — Et elle le lui faisait lire !

M. Gosselin, très lentement. — Vous le permettiez ?… C’est très bien, c’est fort bien, monsieur, je ne dis plus rien, je ne m’étonne plus…

— Quoi ? à mon adresse ? s’écria-t-il tout à coup.

Et il décacheta une feuille de papier placée sur la table, dans la position la plus apparente, mais qu’ils n’avaient pas encore vue, il y lut ces mots :

« Excusez-moi, pardonnez-moi, il l’a fallu, vous aurez de mes nouvelles. Je vous dirai où je suis et ce que je fais. Ne craignez rien pour moi, je vous écrirai. Adieu. Votre fils qui vous aime.

« Henry. »

Mme Gosselin sauta sur ce papier et le relut vingt fois, l’étrange concision l’en tourmentait, et, quoique son inquiétude en dût être calmée, l’ardente curiosité qu’elle venait de faire naître lui donnait d’autres angoisses non moins vives.

— Nous n’en saurons pas davantage, dit Morel ; il faut attendre, il ne veut pas que l’on sache où ils sont partis ; c’est à nous de le deviner, et c’est à vous, monsieur Renaud, de les faire revenir.

M. Gosselin et Mme Gosselin, parlant à la fois. — Oui, c’est à vous, monsieur Renaud, à les faire revemr.

M. Renaud. — Mais…

M. Gosselin. — À demain, monsieur, nous aurons l’honneur de nous présenter de nouveau.

M. Renaud a la politesse de les reconduire jusqu’en bas, il leur ouvre la grande porte, il la referme avec un gros soupir et rentre réfléchir dans le petit parloir où l’on était tout à l’heure.

Il est assis, il regarde les pavés, il médite ; tout est tranquille, on n’entend aucun bruit, les cartes géographiques et les tableaux synoptiques des peuples du