Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/215

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Catherine lui répondait : « Gros vilain ! ça vous fait donc plaisir ? » ; il fait un pas de plus, Catherine pousse un cri et s’enfuit dans la cuisine, le père Renaud détourne la tête, voit Mendès, et se cache la figure avec les mains : « C’est fini ! me voilà perdu ! l’affaire de ce matin et celle-ci !… Que devenir ? mon Dieu ! je suis ruiné, ruiné, ruiné ! »

XXIV

Après un mois d’inquiétudes, de démarches, de perquisitions et de recherches opiniâtres, on apprit enfin qu’un jeune homme, qui semblait devoir être Henry, accompagné d’une dame plus âgée, qui paraissait être Mme Renaud, s’étaient embarqués au Havre sur l’Aimable-Constance en partance pour New-York ; de là le bâtiment prendrait un chargement pour la Havane et ne reviendrait probablement que dans deux ans. Or Morel, qui avait conduit M.  et Mme Gosselin dans tous les bureaux de ministère possibles, chez tous les procureurs du roi imaginables, à la police, aux ambassades, et dont les affaires vraiment en avaient fort pâti, les engagea, en attendant des détails plus précis, à s’en retourner chez eux, où il leur ferait parvenir de suite tous les documents et renseignements qui se présenteraient.

Il y avait donc trois semaines qu’ils étaient rentrés dans leur maison quand, un beau matin, ils reçurent une lettre d’Henry lui-même.

Il commençait par leur demander pardon du chagrin qu’il leur avait causé, mais nullement de l’argent qu’il leur avait pris. Il disait qu’il l’avait fallu, qu’une passion plus forte l’avait entraîné, que c’était quelque chose d’irrésistible et de fatal — M. Gosselin ne comprit pas cette phrase — qu’enfin il était maintenant à