Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/275

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Ô Molière ! Molière ! s’écria-t-il dans son âme en admirant la moralité des procureurs du roi et le civisme des hommes d’État !

On l’invita à faire partie d’une assemblée philanthropique, il s’y rendit ; d’abord chacun se poussa tellement à la porte, afin d’avoir la meilleure place auprès du poêle, qu’il faillit être étouffé dès en entrant. Il s’agissait de trouver les moyens d’améliorer l’homme intérieur ; on commença par se disputer si bien pour savoir qui aurait le premier la parole, que chacun finit par hurler pour se faire entendre, et que Jules s’en alla de peur des coups.

Il assista un autre jour à la réunion solennelle d’une société de tempérance ; la réunion eut lieu à 9 heures du soir, après un grand dîner qu’avait donné le président ; presque tous les membres arrivèrent ivres, et déclarèrent qu’ils permettraient à leurs adeptes tout au plus le thé et la limonade ; les plus gris furent les plus éloquents, les douleurs de l’ivresse se peignaient sur leurs visages, quelques-uns même en vomirent.

Il fit la connaissance d’un jeune écrivain catholique, dont les livres de morale dogmatique étaient donnés en prix dans les couvents et dont les poésies religieuses étaient recommandées par les confesseurs à leurs belles pécheresses ; Jules le rencontra chez les filles.

— Ah ! ah ! je vous y prends l’homme de bien, lui dit-il.

— Comment ? répondit celui-ci, rien de plus simple, c’est avec l’argent que me rapportent mes amours éthérées que je paye les catins, et en prêchant le carême je dîne chez Véfour.

Quant aux jaloux, aux fripons, aux vaniteux, ils sont trop nombreux pour qu’on y prenne garde, et d’ailleurs tiennent trop à la nature humaine pour qu’on les puisse reporter plus spécialement sur une époque que sur une autre ; mais à ne faire attention qu’à l’élément grotesque d’une société et qu’aux ridi-