Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/336

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Il va donc vers le sabre ; — en essaie le tranchant sur son pouce ; — et, après une longue hésitation, fait encore signe que non.

Le Sultan cependant perd patience. — Il s’avance précipitamment vers Pierrot et ordonne aux esclaves d’en finir.

On va donc décapiter Pierrot.

Le Sultan est placé à la droite du spectateur près de la coulisse, Pierrot à côté de lui, le bourreau à droite de Pierrot. (Dans le mouvement que fait le bourreau pour abattre la tête de Pierrot, rentrée du Sultan dans la coulisse, on lui substitue un mannequin.) — Le bourreau lève le bras. — Pierrot fait un bond en arrière et esquive le coup. — La tête du Sultan vole et son corps tombe à terre.

Pierrot soudain se précipite sur le cadavre. — Il s’empare du sabre, met le turban, passe les bottes du sultan, fouille dans ses poches et en tire de l’or dont il bourre les siennes et qu’il distribue aux esclaves.

À ce bruit entrent précipitamment des soldats. — Nouvelle distribution. — Enthousiasme de la troupe. — Harangue de Pierrot. — On l’emmène en triomphe, sans que personne se soucie des deux femmes, toujours restées dans leurs sacs ; — et qui font des contorsions pour en sortir.


ACTE V.

Intérieur du sérail. Grande salle du Trône.

Scène première.

Pierrot sur le trône du Grand Turc, radieux. — Toutes les femmes et tous les esclaves, rangés sur deux lignes, le contemplent et se disposent à recevoir ses ordres. — On va procéder à la toilette royale ; les femmes, l’une après l’autre, lui apportent différentes pièces du costume ; — on lui met successivement des babouches, une pelisse, un grand sabre, un turban, surmonté d’un croissant pareil à une tranche de melon et décoré d’une aigrette qui monte à l’infini. — Les femmes le parfument, le bichonnent ; — lui toujours sérieux et beau sur son trône. — On apporte un grand pot de pommade de lion et on lui en frotte la lèvre supérieure ; — aussitôt il lui pousse une paire de moustaches gigantesques, à pointes très relevées. — Puis quand la toilette est finie, il demande un miroir et se contemple dedans, avec bonheur.