Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/85

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debout, adossé à la muraille, la voyait apparaître et disparaître avec une raillerie provocante, le corps cambré en arrière, la tête renversée, la bouche mi-ouverte. « La coquette ! se disait-il, croit-elle que je l’admire ? » Et il l’admirait cependant, et la convoitait dans son âme, coupant sa robe de bas en haut, et se la figurant nue, toute nue, dans cette posture-là.

— Vous êtes bien maussade, dit-elle, quand elle se fut rassise à sa place.

Et reprenant haleine :

— Je suis sûre que si vous vouliez, vous valseriez comme un autre.

— Certes, je regrette de ne pas avoir appris, répondit Henry, mais ce n’est pas avec vous que je veux faire un coup d’essai.

— Pourquoi pas ? je suis un bon maître, dit-elle.

— Vrai ?

— Certainement, fit-elle en riant et en le regardant en face.

Et il rit aussi, s’apercevant bien néanmoins qu’on se moquait de lui.

— Ah ! pour aujourd’hui vous allez m’accorder cette faveur, mon cher cœur, dit M. Renaud en s’avançant vers sa femme.

— Vous êtes trop aimable pour vous refuser, joli cavalier, répondit-elle du même ton.

Mlle Hortense entama une valse de Strauss, Ternande partit en avant, Mendès le suivit, M.  et Mme Renaud valsaient ensemble ; il prenait des poses d’Apollon chinois et se balançait de côté et d’autre avec un langoureux affecté, et elle, elle riait comme une folle et se laissait traîner par lui.

Shahutsnischbach était parti se coucher depuis longtemps, Morel s’était esquivé pour aller revêtir son grand costume de général des Cannibales et finir sa nuit à l’Opéra. On s’en allait, la fête tirait à sa fin. Mlle Aglaé mourait de fatigue sur le bras d’Alvarès,