Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

côtes s’enfoncent. Les fleurs de son visage ont mouillé la pourpre. Il est mort ! Pleurons ! Désolons-nous !

Elles viennent, toutes à la file, déposer entre les flambeaux leurs longues chevelures, pareilles de loin à des serpents noirs ou blonds ; — et le catafalque s’abaisse doucement jusqu’au niveau d’une grotte, un sépulcre ténébreux qui bâille par derrière.
Alors
une femme
s’incline sur le cadavre.
Ses cheveux qu’elle n’a pas coupés, l’enveloppent de la tête aux talons. Elle verse tant de larmes que sa douleur ne doit pas être comme celle des autres, mais plus qu’humaine, infinie.
Antoine songe à la mère de Jésus.
Elle dit :

Tu t’échappais de l’Orient ; et tu me prenais dans tes bras toute frémissante de rosée, ô Soleil ! Des colombes voletaient sur l’azur de ton manteau, nos baisers faisaient des brises dans les feuillages ; et je m’abandonnais à ton amour, en jouissant du plaisir de ma faiblesse.

Hélas ! hélas ! Pourquoi allais-tu courir sur les montagnes ?

À l’équinoxe d’automne un sanglier t’a blessé !

Tu es mort ; et les fontaines pleurent, les arbres se penchent. Le vent d’hiver siffle dans les broussailles nues.

Mes yeux vont se clore, puisque les ténèbres te couvrent. Maintenant, tu habites l’autre côté du monde, près de ma rivale plus puissante.

Ô Perséphone, tout ce qui est beau descend vers toi, et n’en revient plus !