Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/143

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écroulements d’empire ne changeaient pas notre attitude.

L’Égypte s’étalait sous nous, monumentale et sérieuse, longue comme le corridor d’un temple, avec des obélisques à droite, des pyramides à gauche, son labyrinthe au milieu, — et partout des avenues de monstres, des forêts de colonnes, de lourds pylônes flanquant des portes qui ont à leur sommet le globe de la terre entre deux ailes.

Les animaux de son zodiaque se retrouvaient dans ses pâturages, emplissaient de leurs formes et de leurs couleurs son écriture mystérieuse. Divisée en douze régions comme l’année l’est en douze mois, — chaque mois, chaque jour ayant son dieu, — elle reproduisait l’ordre immuable du ciel ; et l’homme en expirant ne perdait pas sa figure ; mais saturé de parfums, devenu indestructible, il allait dormir pendant trois mille ans dans une Égypte silencieuse.

Celle-là, plus grande que l’autre, s’étendait sous la terre.

On y descendait par des escaliers conduisant à des salles où étaient reproduites les joies des bons, les tortures des méchants, tout ce qui a lieu dans le troisième monde invisible. Rangés le long des murs, les morts dans des cercueils peints attendaient leur tour ; et l’âme exempte des migrations continuait son assoupissement jusqu’au réveil d’une autre vie.

Osiris, cependant, revenait me voir quelquefois. Son ombre m’a rendue mère d’Harpocrate.

Elle contemple l’enfant.

C’est lui ! Ce sont ses yeux ; ce sont ses che-