Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/194

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à coup paraît un grand cerf noir, à tête de taureau, qui porte entre les oreilles un buisson de cornes blanches.
le sadhuzag.

Mes soixante-quatorze andouillers sont creux comme des flûtes.

Quand je me tourne vers le vent du sud, il en part des sons qui attirent à moi les bêtes ravies. Les serpents s’enroulent à mes jambes, les guêpes se collent dans mes narines, et les perroquets, les colombes et les ibis s’abattent dans mes rameaux. — Écoute !

Il renverse son bois, d’où s’échappe une musique ineffablement douce.
Antoine presse son cœur à deux mains. Il lui semble que cette mélodie va emporter son âme.
le sadhuzag.

Mais quand je me tourne vers le vent du nord, mon bois plus touffu qu’un bataillon de lances, exhale un hurlement ; les forêts tressaillent, les fleuves remontent, la gousse des fruits éclate, et les herbes se dressent comme la chevelure d’un lâche. — Écoute !

Il penche ses rameaux, d’où sortent des cris discordants ; Antoine est comme déchiré.
Et son horreur augmente en voyant :
le martichoras
gigantesque lion rouge, à figure humaine, avec trois rangées de dents.

Les moires de mon pelage écarlate se mêlent au