Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/210

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Antoine lève la tête.

Non ! ici ! là-dessus ! longuement ! À l’attraction de ta prière, elle va relever ses yeux ; prie-la bien, elle t’aimera… Viens ! Elle te fait signe.

antoine
étonné.

Comment ?

la voix.

Ne sais-tu pas que la foi déplace des montagnes et que Dieu marche vers qui l’appelle ?

antoine
la considérant toujours, s’écrie :

Elle m’entendrait !… Mais oui ! il me semble qu’elle a remué ; tout à l’heure, si je ne me trompe, elle n’avait pas cette posture… et le bout de ses cheveux a tressailli.

la voix.

Oui ! elle a remué… ils tressaillent, ils se soulèvent, ils s’envolent.

antoine.

Ah ! c’est le vent, peut-être.

la voix.

Le vent du soir qui souffle des mers chaudes, il a passé sur les forêts vertes et sur la tête des femmes.

antoine.

Comme il est frais ! qu’il sent bon !… Maudit soit-il, si c’est lui qui amollit le cœur du solitaire.

la voix.

Amollir ton cœur ? allons donc ! est-ce possible ? n’es-tu pas humble ?

antoine.

Fou que j’étais ! c’était mes mains qui tremblaient. N’allais-je