Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/215

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la voix.

Elle te serrera dans ses bras, elle te plongera dans ses regards, luisants comme l’acier des glaives.

antoine.

Démons de mes pensées, arrière !

la voix.

Mais c’est une femme, rien qu’une femme ! Tiens, ses vêtements s’écartent. La veux-tu voir, sous tes baisers, au vent frissonner nue comme une Vénus ?

antoine
s’arrachant les cheveux.

Quelle idée ! quelle idée !

la voix.

Ce ne serait pas la première fois, va ! elle a couché avec Panthérus, qui était un soldat romain à la barbe frisée… Oui, au bord de la citerne, sur la route de Tibériade, un soir, à la moisson, des gerbes mûres les épis pleins tombaient d’eux-mêmes… les paroles tendres aussi.

antoine.

Panthérus ? qui était-ce ?… Non, d’ailleurs, non !

la voix.

Ah ! cela te chagrine ? tu es jaloux ? tu croyais qu’elle n’aimait que toi ? elle aime tout le monde ; le Christ a eu des frères, d’où venaient-ils ? comme une autre, elle s’est donc mise sur un lit, elle a levé les bras vers un homme, et elle lui a dit : Viens ! et puis…

La voix rit.

Ah ! ah ! ah !

antoine.

Mensonge !

la voix.

Regarde !