Pourquoi trembler, bon ermite ? n’aie point peur, ne crains rien, nous ne sommes pas méchantes ; calme-toi, avance un peu, sors de ta cabane, ou, si tu n’oses pas, applique ton œil aux fentes de ta porte, et tu nous regarderas, à l’abri, passer devant toi l’une après l’autre.
Voilà bien longtemps que nous cherchons ta demeure, et que nous demandons partout : où est-il donc, ce bon saint Antoine, ce fameux solitaire ? Mais nous t’avons trouvé, enfin ! nous t’avons trouvé.
C’est parce que tu es triste que nous sommes venues toutes ensemble te tenir compagnie pendant la nuit. Si tu savais ce que nous avons à te dire ! Nous apportons du monde des nouvelles merveilleuses.
N’aie point peur, bon ermite, n’aie point peur, ne crains rien…
Qui êtes-vous donc, vous autres, qui avez des voix si douces avec des visages si terribles ?
Tu nous connais, souvent tu nous as vues. Quand au soleil tu suais sous ton cilice, dont les poils entraient dans les blessures de ta discipline, et que tu restais immobile pour ne pas t’évanouir de douleur ; au bout des oraisons nocturnes, quand pâlissent les étoiles et que le songe de lui-même continuait ta prière, et que, te sentant vivre encore, tu sentais pourtant la vie qui t’échappait, tournoyante et légère comme une vapeur qui monte ; ou lorsqu’après un voyage tu t’en revenais dans ta solitude, rêvant à ce que tu avais vu dans les villes, entendu dans les synodes, et que tu remontais la colline, épuisé, languissant, presque endormi de chagrin, trébuchant à toutes les pierres, te heurtant à tous les doutes, c’est nous qui t’entourions, qui flottions,