La drôle d’histoire !
Le satrape me demanda pourquoi j’étais venu dans le royaume du Roi : « Je suis libre comme l’oiseau, lui répondis-je, et vaste comme l’air ! »
Alors il nous laissa partir et nous donna même des provisions. N’est-ce pas le lendemain, maître, que nous rencontrâmes dans un bois cette lionne énorme qui avait huit petits dans le ventre ? Alors vous dites aussitôt : « Notre séjour auprès du Roi sera d’un an et huit mois » ; je n’ai jamais pu me rendre compte comment vous avez deviné si juste.
Voilà une perspicacité fort merveilleuse !
La première fois que nous couchâmes dans le pays de Cissie, je vis en dormant des poissons qui palpitaient sur un rivage ; ils semblaient se plaindre d’une manière humaine et se lamentaient comme des exilés. Devant eux, dans les flots, un grand dauphin nageait ; ils s’efforçaient d’aller vers lui et traînaient dns le sable leurs nageoires alourdies ; le dauphin cependant s’avançait à leur rencontre, battant la mer avec sa queue, et soufflant l’eau par ses narines.
Oh ! que j’ai eu peur, quand vous m’avez raconté ce rêve-là !
Les poissons, c’étaient les Érithriens, transportés dans le pays de Cissie par Darius ; le dauphin, c’était moi qui devais les secourir.
J’allai chez eux, je relevai leurs tombeaux.
Et vous pleuriez ! vous pleuriez !… je ne sais pas pourquoi,