Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/320

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l’avarice.

C’est elle qui dépense l’argent que j’amasse, elle bâtit des églises.

la gourmandise.

Elle me trouble à table, elle la surcharge d’un tas de choses inutiles : plats, vaisselle, ciselure de toute façon ; elle a institué le jeûne.

la colère.

Sans cuirasse et tête nue, elle se promène dans les batailles, elle pardonne aux vaincus, elle a inventé la clémence.

la paresse.

Toujours elle me tourmente, son pied me frappe dans mon sommeil.

l’envie.

Et moi donc ! quoiqu’elle me traîne derrière elle, m’ordonnant de lui piquer les talons pour la faire se tenir debout, elle me délaisse, elle me repousse, elle me bat, et je m’agite continuellement à courir dans son ombre.

le diable.

Entends-tu ce qu’elles disent, fille de mes entrailles ? Elles t’accusent, réponds !

L’Orgueil hausse les épaules.
les péchés.

Délivre-nous d’elle ! Comment pouvons-nous agir, si nous savons d’avance qu’elle doit rendre inutiles nos tentations ?

le diable.

Parle !

l’orgueil.

Non !

Elle descend un degré de la chapelle et resserre son manteau sur ses épaules.