Page:Gustave Flaubert - Trois contes.djvu/124

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Le Lépreux tourna la tête.

— Déshabille-toi, pour que j’aie la chaleur de ton corps !

Julien ôta ses vêtements ; puis, nu comme au jour de sa naissance, se replaça dans le lit ; et il sentait contre sa cuisse la peau du Lépreux, plus froide qu’un serpent et rude comme une lime.

Il tâchait de l’encourager ; et l’autre répondait, en haletant :

— Ah ! je vais mourir !… Rapproche-toi, réchauffe-moi ! Pas avec les mains ! non ! toute ta personne !

Julien s’étala dessus complètement, bouche contre bouche, poitrine sur poitrine.

Alors le lépreux l’étreignit ; et ses yeux tout à coup prirent une clarté d’étoiles ; ses cheveux s’allongèrent comme les rais du soleil ; le souffle de ses narines avait la douceur des roses ; un nuage d’encens s’éleva du foyer, les flots chantaient.

Cependant une abondance de délices, une joie surhumaine descendait comme une inondation, dans l’âme de Julien pâmé ; et celui dont les bras le serraient toujours, grandissait, grandissait, touchant de sa tête et de ses pieds les deux murs de la cabane. Le toit s’envola, le firmament se déployait ; — et Julien monta vers les espaces