Page:Gustave Flaubert - Trois contes.djvu/150

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Antipas traversa toute la salle, se coucha sur le lit.

Phanuel était debout. Il leva son bras, et dans une attitude inspirée :

— Le Très-Haut envoie par moment un de ses fils. Iaokanann en est un. Si tu l’opprimes, tu seras châtié.

— C’est lui qui me persécute ! s’écria Antipas. Il a voulu de moi une action impossible. Depuis ce temps-là il me déchire. Et je n’étais pas dur, au commencement ! Il a même dépêché de Machærous des hommes qui bouleversent mes provinces. Malheur à sa vie ! Puisqu’il m’attaque, je me défends !

— Ses colères ont trop de violence, répliqua Phanuel. N’importe ! il faut le délivrer.

— On ne relâche pas les bêtes furieuses ! dit le Tétrarque.

L’Essénien répondit :

— Ne t’inquiète plus ! Il ira chez les Arabes, les Gaulois, les Scythes. Son œuvre doit s’étendre jusqu’au bout de la terre !

Antipas semblait perdu dans une vision.

— Sa puissance est forte !… Malgré moi, je l’aime !

— Alors, qu’il soit libre !

Le Tétrarque hocha la tête. Il craignait Hérodias, Mannaeï, et l’inconnu.