de décrire, qu’il ait voulu s’abandonner à quelques-unes de ces débauches de couleur auxquelles on se livrait volontiers aux premiers temps du romantisme. C’est l’originalité de ce tableau incomparable, qu’il serait impossible d’y ajouter ou d’y retrancher une phrase ou une épithète sans en détruire l’équilibre. Un tempérament qui s’est dompté lui-même, une imagination qui a appris à se dominer, une langue d’une richesse inouïe, mais aussi d’une simplicité magistrale, tels sont les caractères de ce volume à propos duquel on peut hardiment prononcer le mot de perfection.
Le National, 14 mai 1877 (De Banville).
L’illustre auteur de Salammbô et de La Tentation de Saint Antoine, M. Gustave Flaubert, vient de publier un livre intitulé simplement Trois Contes, mais ces contes sont trois chefs-d’œuvre absolus et parfaits créés avec la puissance d’un poète sur de son art, et dont il ne faut parler qu’avec la respectueuse admiration due au génie. J’ai dit un poète, et ce mot doit être pris dans son sens rigoureux ; car le grand écrivain dont je parle ici a su conquérir une forme essentielle et définitive, où chaque phrase, chaque mot ont leur raison d’être nécessaire et fatale, et à laquelle il est impossible de rien changer, non plus, que dans une ode d’Horace ou dans une fable de La Fontaine. Il possède au plus haut degré l’intuition qui nous révèle les choses que nul n’a vues et entendues ; mais en même temps il a tout étudié, il sait tout, ayant ainsi doublé l’inventeur qui est en lui d’un ouvrier impeccable ; aussi trouve-t-il toujours le mot juste, propre, décisif ; et peut-il tout peindre même les époques et les figures les plus idéales, sans employer jamais le secours d’un verbe inutile ou d’un adjectif parasite.
C’est là le dernier mot de l’art et il serait difficile de comprendre comment le pays qui eut le bonheur de produire un tel artiste ne lui décerne pas les plus grands honneurs, si nous ne savions depuis longtemps que telle action n’est pas faite, par