l’église, elle a vu la colombe mystique de l’Esprit Saint se balancer au-dessus de l’autel : ces deux oiseaux lui semblent avoir de vagues ressemblances. Le trait est charmant. Pourquoi M. Flaubert l’affaiblit-il en prêtant à son héroïne des raisonnements comme celui-ci : « Le Père n’a pu exprimer ses volontés par le moyen d’une colombe ; les colombes ne parlent pas. Il a dû se servir d’un perroquet. » Le perroquet du Saint-Esprit est d’une déduction un peu subtile.
Le conte suivant : La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, conçu dans la manière des légendes du moyen âge, est de tout point une admirable page. Des messagers de Dieu ont prédit au père de Julien que son fils serait un guerrier ; à sa mère, qu’il serait un grand saint. On lui donne une éducation raffinée ; mais un vieux cerf à longs poils blancs, qu’il tue à la chasse, lui brame ces mots en mourant, avec une voix humaine : « Maudit, tu tueras tes parents ! » En quelles circonstances mystérieuses cette prédiction terrible s’accomplit, c’est ce qui est développé dans la suite du livre. Si l’on a reconnu dans Un Cœur simple la patte et l’œil de l’observateur réaliste, l’aile et la main du poète seront trouvées ici.
Dans Hérodias, au contraire, c’est surtout l’archéologie qui s’affiche. La mort de saint Jean le Précurseur y est savamment et curieusement mise en scène. Les noms orientaux n’y sont pas épargnés, saint Jean-Baptiste y est nommé Iaokanann. Je n’apprécie pas plus qu’il ne faut cette érudition qui s’attaque même aux noms. Je dois dire cependant que l’auteur y a beaucoup moins sacrifié dans ce compte qu’à l’ordinaire, et qu’il a fait effort pour être intelligible à tout le monde.
Tel qu’il est, ce volume, d’une lecture sérieuse, est frappé au bon coin de M. Flaubert avec ses qualités et ses défauts. Le style en est superbe, quoique, à mon gré, trop tendu et trop ennemi des répétitions des mots, ce qui l’obscurcit maintes lois. Les grandes images saisissantes y sont prodiguées et les descriptions étincellent d’une vie singulière. Les détails y fourmillent, oiseusement souvent, et coupent court à l’intérêt. L’écrivain, très sobre dans le jeu de sa phrase, est essentiellement prolixe en fait