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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/108

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la petite, la portait dans ses bras et ne trouvait jamais assez de gâteries, d’affection, de tendresse fraternelle pour elle.

Tout cela, depuis son retour, remontait sourdement en lui, l’étreignait à la gorge, l’arrêtait brusquement en plein cours d’une mauvaise pensée, d’un mot impie, d’une action méchante.

Quelques Jours seulement s’étaient passés et il avait senti grandir cette étrange domination de l’innocente sur lui, l’enveloppant comme un étroit filet aux mailles serrées ; il se soumettait, lui qui, depuis près de vingt ans, ne connaissait plus d’autre maître que lui-même.

Il eut d’abord quelque peine à recruter l’équipage qui lui était indispensable pour manœuvrer sa barque, trois hommes et un mousse. On se méfiait de lui ; on redoutait le regard dur de son œil si clair, que des nuages semblaient souvent troubler, et dans la limpidité duquel flottaient tout à coup des choses troubles, comme la lie de son âme, comme la demi-révélation de vilains actes, d’un passé lourd, incertain.

Mais la race camaretoise est si bonne, la population si foncièrement honnête et franche, que l’on attribua tout cela à l’influence des longues années passées en exil, dans l’amertume des terres étrangères, dans la souffrance des désespoirs ignorés. On revint à lui, avec la honte et le remords de cet instinctif mouvement de recul, on lui redonna la