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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/175

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maître Guivarcʼh, à qui la langue grattait toujours, avait riposté à une descente à terre à Majunka contre les Hovas, par un épisode de la guerre de Crimée.

Cela l’avait arraché à une sorte de tristesse inaccoutumée, qui l’envahissait depuis quelque temps, à propos de son neveu Hervé, dont l’humeur changeait de plus en plus. Ce dernier avait d’incessantes alternatives d’espoir et de découragement ; une espèce de misanthropie le poussait à voir tout en laid, à haïr les heureux, à dire de mauvaises paroles sur les choses et sur les êtres, manière d’envisager la vie qui n’était pas commune à Camaret, un pays de bons enfants, sans méchanceté, de braves gens un peu fiers, mais dévoués, complaisants, désintéressés.

Il était arrivé au maître de port de soupirer parfois, le soir, avant de se mettre au lit lorsqu’il songeait au jeune homme et que ses yeux tombaient sur la petite photographie encore accrochée à côté de la glace, près de la cheminée, avec son inscription commémorative et sa branche de buis séché :

— Est-il possible que ce soit lui ?… On ne le croirait pas ; on ne penserait jamais un garçon de par ici !…

Cependant il chassait vite cette idée, réfléchissant combien Jean-Marie-Hervé était le vivant portrait de Thomas, en plus affiné, en moins lourd :

— Si, si, c’est bien lui !… Mais alors, quoi ?…