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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/200

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l’autre, essayant d’apercevoir quelque chose, un mur opaque s’applique implacable contre les vitres et arrête les regards.

Dans son cerveau las le même brouillard persistant, dans son cœur la glace anéantissante de ce jour funèbre. Il lui semble, à lui, le pauvre être affligé, que la nature porte le deuil, qu’elle ait voulu s’ensevelir dans ce linceul aussi blanc, aussi impénétrable, aussi froid, que le drap de toile qui enveloppe pour l’éternité le corps de Louise Dagorn, sa bien-aimée femme, immobile sur le lit de mort et attendant la bière de sapin, où on va l’enfermer pour dormir son dernier sommeil.

Par instants le grand rideau uniforme se déplace, se divise en bandes molles, et l’on aperçoit tout à coup un fragment de falaise, un bout de lande rocailleuse, une surface miroitante, un coin de ciel, un jet d’écume sur le noir luisant d’un écueil.

Un incessant grondement monte tout autour du sémaphore, plus distinct, plus sauvage, au milieu de cet ensevelissement absolu, qui aveugle les yeux et double l’acuité de l’ouïe ; on se croirait dans quelque flot désert, perdu au milieu de l’Océan, sur quelque navire immobilisé par un rocher que bat follement le flot bouillonnant, et le mât aux signaux avec ses cordages complète l’illusion hallucinante.

Des cris aigres, des plaintes rauques déchirent