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conduisons où vous voyez, à ce jour d’aujord’hui… Pas moyen d’élever un enfant dans cette damnée humidité ! Ça vous poisse, qu’on dirait, le corps et l’âme !…

— Oui, oui ! faisait Balanec. Quand j’étais à l’Ar-men, en pleine mer, c’était la même chose. J’ai dû quitter, car moi-même, tout solide que je suis, j’y aurais laissé mes os. C’est-y drôle tout de même qu’on se passionne pour cette existence-là… J’en voulais plus sortir de mon phare, et les jours qu’on me permettait d’aller à terre, je m’ennuyais !…

Tout le marin dans cette remarque naïve, tout l’homme de mer qui a, ainsi qu’une maladie dans le sang, cette adoration, ce besoin de l’Océan, cette soif de la souffrance physique, du danger, de la menace de mort le talonnant sans cesse.

Maintenant, Camaret est au-dessous d’eux, entre les moulins dont les grands bras se tendent immobiles, leurs voiles repliées comme des bateaux en rade. La côte de Léon disparaissait sous une pluie fine, un crachin, qui semblait entrer par le Goulet, marcher sur Brest, tandis que le ciel s’étendait, bas, sombre, triste, écrasant la mer.

C’était bien l’arrivée des mois noirs, la Bretagne s’engloutissait dans les brumes et les pluies, prenait pour de longues semaines son habituel voile de deuil, et cet enterrement de jeune femme morte en pleine fleur de jeunesse, après un an à