Aller au contenu

Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vie, les autres, après leur temps de service dû à l’État, étaient tranquillement revenus trouver leurs habitudes, leurs parents, leur ménage, leur coin de foyer, jamais déserté, jamais oublié.

Une odeur plus âcre montait, sous l’afflux de flots plus larges, de grandes poussées d’eau déferlant en frissonnantes vaguelettes, et il s’amusait à voir les enfants s’ébattre, clamant des cris de joie, claquant la mer de leurs pieds nus, se poursuivant en se rapprochant de la cale.

Il aspirait fortement les émanations amères, avec une sorte de joie intense, comme s’il eût bu une vie nouvelle, un renouveau de sensations à cette forte mamelle de l’Océan, lui versant au fond des veines une fraîcheur délicieuse qui apaisait l’incendie dont il était consumé.

Tout disparaissait autour de lui, tout était oublié dans cette minute de jouissance absolue, où il lui semblait renaître, se confondre dans un vertigineux embrassement avec le pays natal.

Les mois d’hiver qu’il venait de passer avaient été atroces ; personne n’en sut rien, comme s’il se fût appliqué à dérouter les curiosités, à empêcher toute investigation sur sa conduite, sur ce qu’il pensait ou faisait.

On eût dit, durant ces sombres journées et ces nuits terribles, qu’il avait juré de justifier tous les soupçons de ses compatriotes à son égard, se montrant si étrange, si fantasque, d’humeur tellement