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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/234

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La chose semblait bien anodine à Hervé qui, sans doute, en avait de plus lourdes sur la conscience, et eût plutôt joué le rôle du Cipaye, en semblable occasion, que le rôle de sauveur.

On ne pouvait guère se le dissimuler, cela transperçait sous la couche de hâle de son teint, cela, à tout instant, crevait sa peau, ce n’était plus le Breton honnête et fier, le pêcheur camaretois comme Corentin Garrec ; c’était le coureur d’aventures, et s’il lui restait quelques-unes des qualités de sa race, il devait surtout avoir les vices, les violences des gens avec lesquels il était si longtemps resté, en Australie ou ailleurs.

Il avait vécu, lui ; il n’avait pas la placidité saine et robuste de Tonton Corentin ; son sang bouillonnait constamment, lui ôtant tout calme, toute patience, et alors, sous ces brûlures de perversité, il se sauvait, allait chercher, retrouver, dans les endroits borgnes de la ville, les boueux souvenirs d’autrefois, les fangeux oublis que versent la débauche et l’ivresse.

Les yeux perdus au loin, regardant sans les voir les détails du joli port de Camaret, la chapelle écrasée contre terre, le fortin crénelé avec son toit pointu et ses angles savants, la ligne amusante des côtes courant capricieusement jusqu’à la pointe des Capucins, en une série de falaises et de criques pittoresquement découpées, il subissait ces récents et bas plaisirs, les remâchant avec une croissante