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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/246

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C’était en 1876 ou en 1877, une goëlette anglaise qu’un sacré coup de mer poussait toutes voiles dehors vers l’Aber-Vracʼh. Rien qu’à la voir aller, on devinait qu’il n’y avait plus un homme à bord, abandonnée quoi !… Alors les canots partent pour la crocher et la sauver ; mais, une fois dessus, mes gredins trouvent du vin, des liqueurs, un chargement complet ; ils oublient la tempête, ils oublient ce qu’ils sont venus faire, et les voilà attablés, à boire, à boire !… Oh ! diable ! ils n’ont eu que tout juste le temps de se sauver dans leurs barques, tandis que la goëlette, non gouvernée, se jetait sur les récifs du Libenter, où elle a été broyée en dix minutes !… On en a retrouvé quelques bouteilles dans les sables, à marée basse : celle-ci en vient… Par exemple, je ne sais pas quel vin ça peut bien être ?…

— Bah ! assura Garrec, il est bon tout de même !

— Un vin de demoiselle, peut-être un peu ; mais, pour un mariage, c’est ce qu’il faut.

Un rire secoua les larges épaules de Corentin qui approuva, tout réjoui, ne trouvant pas de mots pour traduire son contentement, cette satisfaction intime coulant au fond de son cœur, roulant à travers ses veines, à pleins bords, comme un puissant fleuve de vie.

En regardant le visage si franc, si Joyeux de son futur beau-père, il se reprochait maintenant d’avoir tant hésité à formuler sa demande, d’avoir